01/12/2015

Des politiques nutritionnelles attendues par les Belges

Nombre d’acteurs, et singulièrement ceux qui travaillent dans le secteur de la santé, réclament des politiques publiques plus volontaristes dans le champ de l’alimentation. Cela fait d’ailleurs quelques années que Solidaris appelle à la mise en place d’une réelle politique de l’alimentation, favorisant l’accessibilité à une alimentation de qualité (du point de vue nutritionnel mais pas que !).

Mais qu’en est-il du grand public ? Comment perçoit-il les principales politiques nutritionnelles qui sont ou pourraient être appliquées ?

La dernière enquête nationale de consommation alimentaire réalisée en 2014 par l’Institut scientifique de Sante Publique (ISP) a donné lieu à un premier rapport intitulé « Habitudes alimentaires, anthropométrie et politiques nutritionnelles ». Ce rapport livre des informations intéressantes sur l’opinion de la population (de 18 à 64 ans) concernant différentes politiques nutritionnelles.

Des mesures permettant un choix éclairé bien accueillies

Concernant les initiatives visant à soutenir un choix informé, l’enquête rapporte que la très grande majorité de la population adulte (95 %) est favorable à une éducation à l’alimentation à l’école. Plus de quatre Belges sur cinq (83 %) sont d’accord avec les campagnes d’information sur les risques d’une mauvaise alimentation et 64 % avec la régulation de la publicité alimentaire adressée aux enfants. Jusque-là, rien de très surprenant mais cela montre que l’importance accordée à l’information est bien comprise.

Informer, c’est bien, encore faut-il le faire efficacement. Or, les enquêtes montrent que si tout le monde connaît le conseil « manger cinq fruits et légumes par jour », peu de monde l’a intégré dans ses pratiques. Pire, les campagnes générales risquent d’accroître les inégalités sociales de santé en étant particulièrement peu efficaces chez les publics à risque. C’est pour cela que nous recommandons une approche plus ciblée et axée sur le plaisir et la convivialité dans notre Livre blanc.

Notons que pour effectuer un choix éclairé, encore faut-il que l’étiquetage soit clair et lisible.

Les mesures fiscales loin d’être taboues

En matière de consommation alimentaire, l’information ne suffit cependant pas, et la population semble l’avoir compris. Près d’un belge sur deux (47%) est d’accord avec l’idée de taxer les produits alimentaires qui ont un impact négatif sur la santé. Comme on peut s’y attendre, les personnes disposant d’un haut revenu et ne souffrant pas d’obésité sont plus souvent favorables à cette idée. Près de six Belges sur dix (57 %) acceptent l’idée de l’adaptation de la TVA selon que l’aliment soit sain ou pas. Enfin, ils sont trois sur quatre à se déclarer en faveur du subventionnement des fruits et des légumes. Cette mesure est par ailleurs particulièrement acceptée par les personnes disposant d’un faible revenu et les personnes souffrant d’obésité.

Ces chiffres montrent qu’une taxe nutritionnelle intelligemment pensée, qui allierait pénalisation des produits transformés trop gras, trop sucrés ou trop salés et allègement de la TVA sur les produits sains, voire une subvention des fruits et légumes, serait plutôt bien acceptée. Correctement communiquée, cette mesure se révélerait infiniment plus efficace que l’actuelle taxe « sodas » décidée par le gouvernement, qui, nous le savons, n’a pas du tout l’ambition d’infléchir les comportements alimentaires mais bien de générer des recettes fiscales.

Le rôle de l’agro-industrie évident

Enfin, le rôle de l’industrie dans la qualité du contenu de nos assiettes semble également bien compris. Près de quatre Belges sur cinq (78 %) se déclarent en faveur d’une collaboration accrue avec les entreprises agro-alimentaires pour améliorer la qualité nutritionnelle des produits transformés. Les Belges vont même plus loin en étant tout autant favorables à l’imposition de restrictions à ces entreprises pour certains ingrédients.

Même si les accords volontaires de l’industrie ont produit des résultats, du chemin reste effectivement à parcourir. Notre Livre blanc formule à ce titre plusieurs recommandations concernant l’industrie alimentaire.

Ces résultats confirment par ailleurs ce que le Thermomètre « Comment percevons-nous l’offre de produits alimentaires ? » avait mis en évidence, à savoir que le consommateur fait peu confiance à l’industrie agro-alimentaire.

Mais que fait la police ?

Il n y a donc pas que les professionnels de la santé qui réclament une politique intégrée et transversale de l’alimentation. Les Belges sont largement favorables à des mesures visant à la fois à informer et sensibiliser la population, à inciter l’agro-industrie à reformuler ses produits et même à utiliser le levier fiscal pour promouvoir les aliments sains au détriment des aliments qui ont un impact négatif sur la santé.

Au vu de ces résultats et des défis de santé publique, environnementaux et sociaux que représente l’alimentation, il est plus que temps de mettre en œuvre une réelle politique de l’alimentation qui, rappelons-le, ne doit pas résumer l’alimentation à ses seuls aspects nutritionnels. Une alimentation de qualité doit également être accessible, bonne au goût, respectueuse de l’environnement et des travailleurs.
Citoyens, acteurs de la santé, du social, de l’environnement et de la solidarité sont demandeurs, il ne manque plus que la volonté politique …