Les scampis nous ramènent deux siècles en arrière
Si vous aviez prêté à l’actualité en juin dernier, vous étiez sans doute tombé sur cette information choquante : certains scampis vendus à bas prix dans nos magasins sont issus de l’esclavage ! Ni plus, ni moins.
Une enquête menée en Thaïlande durant 6 mois par le journal britannique Guardian y avait révélé ses scandaleuses conclusions . Elles incriminent la société CP Foods, le plus grand producteur de crevettes du monde. A l’appui : documents vidéo et témoignages d’esclaves parvenus à s’échapper.
CP Foods achète sa farine de poisson à des bateaux renfermant des milliers d’esclaves, principalement Birmans et Cambodgiens. Venus en Thaïlande pour trouver du travail, souvent en situation irrégulière, ces migrants sont trompés, voire enlevés et revendus pour 300 à 400 dollars aux capitaines des bateaux.
A bord, c’est l’enfer qui les attend. Soumis à des journées de 20 heures de travail, sous-alimentés, ils sont régulièrement battus et torturés. Et lorsqu’un "ouvrier" est trop malade ou veut se rebeller, il est jeté par-dessus bord. Un témoin révèle même un meurtre par écartèlement. Ces esclaves, parfois enchaînés, sont vendus de bateau en bateau et restent parfois des années sans toucher terre.
La qualité, c’est aussi les conditions de travail
Dans le cadre de notre projet "Goûtez-moi ça !", la qualité alimentaire a été définie par plusieurs critères : nutritionnels, environnementaux, microbiologique, chimiques, sensoriels (goût notamment) et sociales (conditions de travail, protection des travailleurs).
L’exemple des scampis illustre de façon extrême mais éclatante ce dernier critère qualité. Proposer des aliments bon marché aux populations défavorisées chez nous grâce à l’exploitation des travailleurs ailleurs n’a évidemment pas de sens !
Lors de notre colloque alimentation d’avril dernier, Olivier De Schutter (alors Rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation à l’ONU) évoquait à ce propos la nécessité d’abandonner l’économie agro-alimentaire low-cost au profit de politique sociales plus robustes (voir la vidéo de son intervention).
Que peut faire le consommateur ?
Interrogée par France Télévision, la responsable d’un groupe d’enquête de l’ONU répond : "Tout dépendra de la mobilisation, notamment en Europe. (…) Les consommateurs doivent donc faire pression sur les supermarchés, qui doivent faire pression sur leurs fournisseurs, qui doivent mieux contrôler leur chaîne de production."
Le problème est que le consommateur dispose rarement des informations lui permettant un choix éclairer. C’est toute la question soulevée par la 17e recommandation de notre livre blanc :
Fournir plus d’informations sur les dimensions environnementales et sociales des produits
Les conséquences du système alimentaire actuel sur l’environnement et ses impacts sociaux doivent être renseignés sur les produits. Cela contribuerait à l’éducation à la consommation durable et à donner les informations nécessaires pour faire des choix éclairés. (…)