Les inégalités rendent malades

L’accès à une alimentation de qualité – et donc à la santé – est profondément influencé par les inégalités sociales. Ce sont avant tout les personnes avec les revenus les plus bas et les moins scolarisées qui souffrent le plus de surpoids, d’obésité et des maladies "de société" qui y sont liées, diabète, hypertension, maladies cardio-vasculaires et certains cancers.

Découvrez la vidéo "Alimentation, santé, inégalités sociales" du colloque "Vers une politique concertée de l’alimentation en Belgique : Quels enjeux, quelles priorités ?" dans laquelle Pierre Baldewyns, Responsable du Service Promotion de la Santé de Solidaris – Mutualité Socialiste, explique à quel point les inégalités sociales et les écarts de revenus impactent les comportements alimentaires et donc la santé.

 

Influence des écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres

Par le passé, c’était les riches qui étaient gros et les pauvres qui étaient maigres. Si c’est encore le cas dans les pays les plus pauvres, dans les pays développés et dans les pays émergents, c’est maintenant le contraire que l’on observe !

Pourtant, l’obésité n’est pas une fatalité des sociétés modernes et riches ! A Produit Intérieur Brut par habitant de même ordre de grandeur, le taux d’obésité peut être extrêmement différent d’un pays à l’autre. Par exemple, l’obésité chez les adultes est pratiquement 3 fois plus fréquente aux USA qu’en Suède, alors qu’ils ont un PIB par habitant comparable !

Dans leur ouvrage "Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous" , les épidémiologistes Richard Wilkinson et Kate Pickett le démontrent clairement, chiffres, graphiques et preuves à l’appui : plus les inégalités de revenus sont importantes, plus la prévalence de l’obésité est élevée. Pour eux, la croissance ne suffit pas, la réduction des inégalités sociales aurait un impact potentiellement bien plus important sur le bien-être de tout le monde !

Lutter contre l’obésité, améliorer l’accès de tous à une alimentation de qualité, cela passe donc avant tout par une réduction des inégalités sociales. Une politique intégrée de l’alimentation pour laquelle plaide Solidaris – Mutualité Socialiste devra donc largement en tenir compte. Plusieurs recommandations de notre Livre blanc vont dans ce sens !

Offre alimentaire : les consommateurs-mangeurs ne choisissent pas vraiment

Un des principes fondateurs de la société de consommation est le libre choix du consommateur. Mais les possibilités de choix sont-elles réelles et les mêmes pour tout le monde ?

Statistiquement, les gens pauvres et peu scolarisés se nourrissent moins sainement, mangent par exemple moins de fruits, de légumes et de poisson, plus de plats préparés, trop gras, trop sucrés, trop salés, sont plus fréquemment obèses et malades de mal manger.

Mais augmenter leur pouvoir d’achat n’améliore pas nécessairement leurs comportements alimentaires, les informer, les sensibiliser, leur expliquer les fondements de la nutrition et les règles de la diététique non plus ! Les choses sont beaucoup plus complexes ! Dans le domaine de l’alimentation, à côté de la nutrition, de la psychologie et des neurosciences, la sociologie et l’anthropologie peuvent nous aider à mieux comprendre pourquoi et comment les choses se passent.

Quelques éléments socio-anthropologiques

L’intégration des normes révèle des appartenances sociales. En fonction de la place que l’on occupe dans les strates socio-économiques, nos réactions face aux normes sociales et de santé varient, allant de l’intégration active à la réaction de rejet en passant par l’indifférence ou le fatalisme.

Pour certains groupes de population, les pratiques alimentaires, éloignées des normes de santé publique, constituent une forme de "dernière liberté" face au cumul de contraintes économiques et sociales, manque d’argent, sentiment de précarité et d’absence de reconnaissance sociale . L’inculcation de principes se heurte à la valorisation de l’abondance, fût-ce de produits très bon marché et de piètre valeur nutritionnelle. La trajectoire socio-économique joue aussi ici un rôle important.
La consommation alimentaire "permet de participer à la société de consommation et de s’y intégrer". Consommer des produits industriels constitue une preuve de cette participation à la société de consommation.

La compréhension même des normes nutritionnelles et leur mise en application de manière plus ou moins conforme dépendent fortement des représentations que les groupes sociaux ont de l’alimentation et du corps et au lien qu’ils font ou non entre santé et alimentation.

Alimentation et activité physique sont fortement dépendantes du statut socio-économique dans l’enfance (profession du père), parfois davantage que du niveau d’étude et des revenus actuels de la personne !

Ce très sommaire éclairage socio-anthropologique nous pousse à reconsidérer sinon la réalité à tout le moins l’universalité de la liberté de choix des consommateurs-mangeurs.

L’enveloppe des choix possibles et les contextes dans lesquels ils sont présentés ont une influence importante sur les comportements alimentaires : l’offre alimentaire et les pratiques commerciales et de marketing doivent être prises en compte dans le cadre d’une politique intégrée de l’alimentation de qualité.