22/03/2017

« 40 jours sans viande » : pas vraiment œcuménique

La viande occupe une place de choix dans notre régime alimentaire. En invitant les Belges à en réduire la consommation pendant 40 jours par souci écologique, la campagne « Jours sans viande » s’est attaquée à un gros morceau. En témoignent les nombreuses réactions.

La campagne n’a pas prêché dans le désert, elle semble avoir séduit pas mal de monde. Mais il y a fort à parier que son message est surtout bien passé auprès des personnes déjà convaincues. C’est généralement le cas des campagnes qui stigmatisent un produit ou un comportement.

Stigmatiser la viande n’est donc pas la solution. Cela contribue à braquer les producteurs mais également une large partie des consommateurs qui vivent mal ce type d’injonction. Pour preuve, le nombre de réactions suscitées, notamment au travers de contre-campagnes proposant une approche plus positive : « 40 jours, 40 menus locaux » du Ministre wallon de l’agriculture, « 40 jours pour soutenir nos agriculteurs » de la FWA ou encore « Un mois sans acheter dans les multinationales » lancée par un particulier sur Facebook.

Une campagne plus positive a davantage de chance de toucher le plus grand nombre qu’une campagne culpabilisante. Et si au lieu de promouvoir des régimes « sans », on s’attachait à promouvoir des régimes « avec » ? Avec des fruits et légumes au centre de l’assiette, par exemple.

Manger de la viande, un acte biologique et culturel

La viande occupe une place importante dans notre assiette.

Tout d’abord, elle nous apporte des nutriments essentiels : protéines de haute valeur biologique (tout comme les œufs, le poisson …), des vitamines B12 et même du fer. Ce n’est donc pas un hasard si elle fait partie de notre régime.

Ensuite, la viande fait partie de notre culture culinaire et revêt une forte valeur symbolique. Elle est perçue par beaucoup comme un aliment qui permet de se renforcer de l’intérieur et de reconstituer sa force de travail. Il n’y a pas si longtemps, la viande était un produit de luxe, peu consommé par les populations plus pauvres. Accéder à la viande était un signe de réussite sociale. Aujourd’hui, à l’inverse, elle est un peu plus consommée par ces mêmes catégories de personnes que par les couches plus favorisées de la population. Ces dernières sont souvent plus sensibles aux messages de santé ou écologiques, et s’orientent un peu plus vers le poisson et les substituts végétaux.

Qu’est-ce qui ne va pas avec la viande ?

La consommation de viande doit bien entendu s’insérer dans une alimentation équilibrée. Sa consommation excessive au détriment des fruits et légumes augmente le risque de maladies (cardiovasculaires, diabète de type II, cancers …) au même titre que des modes de préparation ou d’accompagnement trop gras, ou que d’autres produits (snacks sucrés, salés, alcool …).

Force est de constater que les Belges consomment trop de viande : environ 130 g/ jour en moyenne (près d’1 kg par semaine) alors que le Conseil supérieur de la Santé conseille un apport maximum de 500 g/semaine (hors volaille) pour un adulte.


On reproche également à la viande son impact environnemental. L’élevage engendrerait des émissions de gaz à effet de serre importants. Il faut toutefois nuancer : la problématique des grands élevages intensifs américains, rassemblant des milliers de bêtes qui ne voient jamais le ciel, n’est pas du tout la même que celle des élevages extensifs où les troupeaux paissent la moitié de l’année dans les prés. En Wallonie, l’élevage de ruminants serait responsable de 6% des gaz à effet de serre. [1]

Le maintien des prairies apporte des bénéfices environnementaux. Elles contribuent en effet à réduire l’impact des gaz à effet de serre en séquestrant du carbone, elles protègent les sols et s’inscrivent dans des paysages remarquables. Pour les plus extensives, elles contribuent également au maintien de la biodiversité.

Ces effets bénéfiques sont malheureusement contrebalancés par l’impact négatif de l’importation d’aliments concentrés donnés aux animaux pour leur engraissement (céréales, tourteau de soja…). Ces aliments viennent de très loin et engendrent déforestation et diminution de l’accès à la terre pour les paysans du Sud. A l’échelle de la Wallonie, les protéines proviennent à 60% des prairies. Le reste se répartit à hauteur de 27% pour les céréales (dont une partie est importée, principalement du tourteau de soja nord et sud-américain), 11% de maïs et de betteraves et moins de 2% de colza et navette. [2]

Les importations de protéines sont actuellement nécessaires pour combler le déficit de production locale et satisfaire les besoins spécifiques des différents types d’élevage. C’est sans doute à ce niveau que des efforts doivent être entrepris afin d’augmenter notre capacité d’auto-approvisionnement et ainsi réduire la part des compléments alimentaires importés.

Privilégier la qualité plutôt que la quantité

Comme nous venons de l’évoquer, diminuer notre consommation est bénéfique pour notre santé, pour la protection de la planète, le bien-être animal et la souveraineté alimentaire des pays du Sud.

A côté de cela, nos producteurs wallons connaissent des crises à répétition et ont des difficultés à dégager un revenu suffisamment rémunérateur. Il est impératif de faire évoluer la production et la consommation vers plus de durabilité, c’est-à-dire un élevage plus respectueux de notre santé, de l’environnement et plus rémunérateur pour les producteurs.

En résumé : mangeons moins de viande mais mieux ! Mieux car locale, issue d’un élevage le plus durable possible, et au sein d’un régime équilibré qui fait la part belle aux fruits et aux légumes !

[1Source : FWA